Au Qatar, des travailleurs immigrés forcés à courir un marathon

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Pour essayer de battre le record du monde de participants, les organisateurs ont fait appel à des travailleurs asiatiques.

Des travailleurs bangladais, népalais ou pakistanais, en jeans et en tongs, en pleine chaleur, amenés par vagues en bus depuis leurs dortoirs, avec l’obligation de courir et l’interdiction d’abandonner. C’est la vision qu’a offerte un marathon organisé à Doha, au Qatar, vendredi dernier. Al-Sadd, le principal club de sport du Qatar, voulait tout simplement battre le record du monde de coureurs engagés sur un marathon (50 000 selon le Guinness Book).

The Telegraph et Doha News rapportent ce nouveau scandale dans le traitement par le Qatar de ses travailleurs immigrés. Des participants racontent : «Plusieurs travailleurs essayaient de partir, mais on leur ordonnait de faire demi-tour. Les organisateurs leur criaient dessus, leur disant de rester et de franchir la ligne d’arrivée.» Un des participants, dans des propos rapportés par Doha News, explique même qu’il s’agissait «d’un des événements les plus chaotiques et mal organisés auquel j’ai eu le déplaisir de participer.»

«Ce sont des êtres humains aussi, non ?»
Selon le Telegraph, le record était loin d’être validé malgré la participation imposée de ces travailleurs immigrés: ils étaient finalement 33 000 à prendre part au marathon. Le porte-parole du club d’Al-Sadd, Mega Gonzales Cervantes, a confirmé que des travailleurs immigrés avaient participé au marathon, mais qu’il s’agissait d’ouvriers «avec un travail décent». «Ceux qui ne voulaient pas courir étaient invités à rester dans les bus. Je les ai encouragés de manière polie. Ce sont des êtres humains aussi, non ?»

Le Qatar compte 1,5 million de travailleurs immigrés, dont 500 000 ouvriers. Selon Nicholas MCGeehan, un chercheur spécialisé sur les pays du Golfe interrogé par le Telegraph, des organisateurs qataris avaient déjà obligé des ouvriers immigrés à participer à des événements pour gonfler les chiffres. Ce scandale intervient après que plusieurs organisations humanitaires ont alerté sur les conditions de travail des immigrés asiatiques au Qatar. En 2013, près de 400 travailleurs bangladais, népalais ou indiens avaient ainsi trouvé la mort dans les chantiers des stades de la Coupe du monde 2022.
liberation.fr