Les associations environnementales s’inquiètent des effets collatéraux des conflits dans le pays. Au cours des derniers mois, près d’un tiers des éléphants recensés ont disparu.
Les belligérants au Soudan du Sud ont massacré, braconné et mangé un nombre «alarmant» d’animaux sauvages, éléphants en tête, dévastant l’une des populations de migrateurs les plus riches d’Afrique, a dénoncé mercredi un groupe de défense de l’environnement. Le gouvernement comme les troupes rebelles, engagées dans un conflit qui a fait des dizaines de milliers de morts depuis décembre 2013, ont quasiment anéanti la population d’éléphants de leur jeune pays, a affirmé Paul Elkan, de l’ONG Wildlife Conservation Society (WCS).
«C’est une tragédie, le conflit a des conséquences terribles», a dit Paul Elkan depuis Juba, la capitale sud-soudanaise, où il travaille avec les autorités pour mettre en place des parcs et protéger la faune locale. «Les éléphants traumatisés du Soudan du Sud sont au bord du précipice, et les combats qui se poursuivent menacent de les pousser davantage vers l’extinction», a-t-il estimé.
La préservation d’une partie de la faune sud-soudanaise au cours des décennies de guerre civile qui ont conduit à l’indépendance du Soudan du Sud en 2011 a longtemps constitué une source d’espoir pour l’économie du jeune pays, qui dépend totalement du pétrole, dont la production a dégringolé depuis le début du conflit actuel. Le Soudan du Sud abrite le plus large écosystème de savane intact en Afrique de l’Est et la migration de la faune rivalise en nombre avec celle de l’écosystème du Masaï-Mara (Kenya) et du Serengeti (Tanzanie).
Le Soudan du Sud comptait quelque 80 000 éléphants dans les années 1970. Alors qu’on pensait la population totalement éteinte dans le pays à la fin de la guerre contre Khartoum (1983-2005), la WCS avait retrouvé jusqu’à 2 500 pachydermes qui avaient souvent survécu cachés dans les vastes marais sud-soudanais.
Mais au cours des derniers mois, près d’un tiers des éléphants recensés par satellite par WCS ont disparu. «Les éléphants avaient trouvé un moyen de survivre à ce (précédent) conflit, mais ce conflit (actuel) est différent», a estimé Paul Elkan. Au cours des onze mois écoulés de guerre, les pachydermes ont été visés à une échelle inédite, les lignes de front coupant les routes de migration, alors que durant la guerre contre Khartoum les combats se concentraient autour des villes de garnison.
«Une énorme perte»
«En moins d’un an, nous avons assisté à une énorme perte», a déploré Paul Elkan. «Il est très clair que les populations d’animaux sont très gravement touchées», a-t-il poursuivi, «les éléphants restants au Soudan du Sud et d’autres espèces sauvages vulnérables sont en grand danger». L’actuel conflit au Soudan du Sud a éclaté en décembre 2013 avec des combats à Juba au sein de l’armée, minée par des divisions politico-ethniques en raison de la rivalité à la tête du régime entre le président Salva Kiir et son ancien vice-président Riek Machar.
Les affrontements entre troupes loyales à Salva Kiir et mutins se rangeant derrière Riek Machar, souvent sur des bases identitaires, se sont rapidement propagés à d’autres zones du pays et accompagnés de massacres et d’atrocités contre les civils. Pour le WCS, effectuer des vols de repérage à faible altitude pour compter précisément les éléphants relève désormais d’une mission impossible : dans ce conflit, plusieurs avions ont été abattus. Mais, a encore estimé Paul Elkan, écologiste américain basé dans le pays depuis des années, la disparition constatée de 30% des éléphants donne une indication d’un massacre certainement encore plus important.
Les éléphants ont notamment été tués pour leurs lucratives défenses, les girafes et antilopes pour leur viande, afin de nourrir les dizaines de milliers de combattants des deux bords. Mais certains chefs de guerre revendent également la viande de brousse, un juteux trafic. Le gouvernement – qui ne contrôle qu’une partie du pays – a saisi depuis le début de l’année 65 défenses – correspondant à la mort d’au moins 33 éléphants – ainsi que des peaux de léopard et d’importantes quantité de viande d’antilope.